“ SWANN-LUCKY ROSEBURRY „

ft. lyndsy fonseca

Je suis aussi mystérieuse que mon personnage, je ne parle jamais de moi. Alors vous allez devoir deviner, m'imaginer, parce que vous saurez rien.

“ ACTE 01 Ϟ La naissance est un acte sonore, une action qui engendre le bruit : chaque naissance est un cri
qui se déroule, se répercute à travers
la vie ... [Yvette Naubert] „

Comment voulez-vous que j'vous raconte quelque chose dont je ne suis pas en mesure de me souvenir ? Vous êtes pathétiques m'enfin... si vous y tenez, j'peux toujours vous raconter ce que j'ai su, de nombreuses années après. Je n'ai jamais connu mes parents, mes vrais parents. Les putains de connards responsables de ma mise au monde. Mais apparemment, j'ai rien loupé. Je proviens d'une pauvre partie de jambes en l'air entre une pute (autant ne pas jouer sur les mots) et un frustré de la vie, insatisfait dans un motel pourri de Los Angeles, aux États Unis. Glamour, non ? Je vous épargne les autres détails, parce que honnêtement on s'en tape. C'est mieux comme ça. Vous avez qu'une seule chose à savoir, mon prénom ; Swann-Lucky. Mais pour vous, ça sera simplement Swann. Donc, pour faire bref, oui, ma mère maternelle est une sale pute. Autant vous dire qu'elle n'avait pas vraiment les moyens de gérer sa vie. Encore moins d'éduquer un enfant donc... Je fus abandonnée, lâchement, le jour de ma naissance et placée directement à la DAS. Le reste ? Je sais pas. Je n'ai jamais su et je ne le saurais probablement jamais. Personne pouvait me renseigner à ce sujet. M'avouer ce que je devenais, comment je grandissais. Au pire, on s'en fout aussi. Royalement. Ce n'est pas le plus important.

Le reste ? De la merde. Je n'ai définitivement pas eu de vie, selon moi, jusqu'à ce qu'on veuille bien de moi. La vie en foyer, c'est vraiment l'horreur. D'ailleurs, je n'ai jamais vraiment adressé la parole à qui que ce soit, pendant ce temps là. Certains se moquaient de moi, pensant que j'étais muette, puisque, jamais, ô grand jamais, ils pouvaient entendre le son de ma voix. Je ne sortais que très rarement de ma chambre, aussi. De toute façon, je ne voulais voir personne, ça ne servait à rien. En prenant du recul, j'comprends pourquoi aucune famille ne voulait de moi. Mais en y réfléchissant, je n'en ai jamais voulu non plus. Au début, oui, j'pensais en avoir besoin, mais au final, les familles d'accueil ce n'est que des putains de conneries. On vous promet un avenir meilleur, un monde plus beau, de l'amour à en revendre, mais ce ne sont que des paroles en l'air, encore. Rien de tout ça n'est vrai. N'y croyez-pas ! Et, si j'avais su, à cette époque, j'aurais toujours catégoriquement refusé qu'on me prenne, qu'on me choisisse. J'serais bien mieux rester dans mon foyer jusqu'à ce que j'puisse me débrouiller toute seule. Une chose est sure, ne me parlez pas de ma naissance, encore moins de mon enfance, il n'y a strictement rien à dire sur ces sujets là.

“ ACTE 02 Ϟ Ce n'est pas la souffrance
de l'enfant qui est révoltante en elle-même, mais le fait
que cette souffrance ne soit
pas justifiée ... [Albert Camus] „

A mes 11 ans, destination San Diego. Mon adoption. J'ai eu de la chance. Il parait que certains enfants attendent parfois jusqu'à leur majorité pour trouver une vie meilleure. Et souvent, c'est parce qu'ils prennent leur envol, leur indépendance tout seul. Pour les autres, ils attendent tous une opportunité pour trouver une bonne famille. Et moi ? Je m'en foutais. J'venais de passer 11 années entières de ma vie à vivre dans un foyer, et voilà qu'on me plaçait enfin dans une famille. Je n'y croyais plus. A vrai dire, je n'y pensais même plus, comme je l'ai dis, je m'en foutais. Mes parents adoptifs aussi d'ailleurs s'en foutaient. Apparemment, ils avaient déjà adoptés auparavant une petite fille, celle qui deviendra ma demi soeur. Mais, pour eux, les adoptions ne servaient qu'à leur permettre de toucher de l'argent, rien de plus. J'allais devoir, soudainement, changer mes habitudes, mon mode de vie. Par la même occasion, je me força à me mettre à parler, pour faire bonne figure. Celle qui allait me servir de maman paraissait adorable, mais assez fragile. Mais, celui que j'devais appeler papa était désagréable, méchant et j'en passe. D'ailleurs, si j'ai réussi à surnommer ma mère adoptive maman au fil du temps, jamais, ô grand jamais, je n'ai pu appeler mon père adoptif papa. Et, entre nous, j'le ferais jamais. Pour moi, il n'était qu'un inconnu, un étranger. Et il y avait Danaé, ma demi soeur. Heureusement. Dès mon arrivée dans cette famille, elle me prit sous son aile, comme si elle voulait me protéger de quelque chose, de quelqu'un. Je ne comprenais pas trop pourquoi à l'époque. Mais, je me sentais bien, pour la première fois de mon existence, à ses côtés. Il y avait quelque chose en elle de rassurant, qui me faisait me sentir apaisée et confiante. Pour être honnête, je pensais enfin que ma vie allait devenir meilleure, grâce à elle. Et elle le devenue, vraiment, sincèrement jusqu'à ce que...

La descente aux enfers. Le triste retour à la réalité. Depuis mon arrivée, je n'avais jamais compris ce qu'il se passait dans cette famille, mais j'étais persuadée qu'il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Danaé me protégeait encore plus que jamais, et un jour, je compris soudainement son comportement. Le jour où ce connard de soit disant père adoptif s'en ait pris à moi. Il n'a pas tenu longtemps après mon arrivée en tout cas... Ce jour là, je l'ai su de suite. Je l'ai lu dans son regard. Ce putain de connard n'a pas hésité une seule seconde. Il m'a violé, sauvagement. Ces images là resteront à jamais graver dans ma mémoire. Ce fut... juste... horrible. La douleur ne se partage pas. Le pire, c'est que ce connard ne s'en prend pas qu'à moi. Danaé se fait tabasser, depuis qu'elle est ici, aussi. Comment avais-je pu n'y voir que du feu ? Je m'en voulais, terriblement. Mais c'était trop tard. Le temps des regrets ne servaient à rien, strictement à rien. J'étais trop faible pour réagir, pour faire quoi que ce soit... Et ça continuait. Une fois, deux fois, trois fois... Je ne les compte plus. Comment ces choses là peuvent-elles exister ? Abuser d'une fille de 11 ans, tabasser une autre. Et, ma mère adoptive impuissante, qui ne pouvait rien faire, pétrifiée à l'idée d'affronter l'homme qu'elle avait abusé. Dans le fond, elle devait certainement se sentir épargnée de tout ça, c'est surement ce qui l'a faisait tenir. Cette situation nous rapprocha instinctivement Danaé et moi, victimes de notre chagrin. Et, bizarrement, du jour au lendemain, ce monstre arrêta d'abuser de moi, sans raisons. Non, je ne lui avais pas ramené de l'argent, ou une bonne note, ça marchait pas comme ça. Je ne comprenais pas. Mais je me sentais pas pour autant en sécurité. Son regard me faisait de plus en plus peur... ses gestes, ses mots... Rien, je ne pourrais rien oublier. Jamais.

Un soir de mes 13 ans, alors que Danaé était en vacances aux Bahamas, il s'est jeté sur moi, à nouveau. L'enfer venait de recommencer. Comme d'habitude, il me viola, horriblement. J'avais l'impression que la douleur était chaque fois un peu plus douloureuse, si cela pouvait être possible. C'était affreux, horrible, insupportable. Il profita de moi, pendant tout le temps que Danaé était en vacances. Et, bizarrement, à son retour, il arrêta, comme l'autre fois, du jour au lendemain, sans raisons. Je ne comprends pas. Est-ce lié à ma soeur ? Je ne sais pas, je n'arrive pas à savoir, mais autant vous dire que j'ai un gros doute...

“ ACTE 03 Ϟ Être en vacances, c’est n’avoir rien à faire et avoir
toute la journée pour
le faire ... [Robert Orben] „

Ne parlons pas du reste de ma vie, encore une fois, y'a rien à dire à ce sujet. Au jour d'aujourd'hui, je viens de passer le cap des 18 ans. Si c'est pas un miracle ça... Nous partons en vacances, Danaé et moi, aux Bahamas, plus précisément. C'est l'occasion pour nous de nous déconnecter de cette maison de merde, de nous éloigner de cet véritable connard qui nous a volé sans scrupules nos enfances respectives. C'est l'occasion un peu de se ressourcer et de profiter si c'est possible. Et c'est également le moment ou jamais où j'pourrais peut être parler à Danaé, à coeur ouvert, notamment par rapport aux suspicions que j'ai...